Recevoir un non : et si c’était un cadeau ?
Demander, c’est s’exposer
S’affirmer, c’est aussi oser faire des demandes. Et qui dit demande… dit potentiel refus. C’est là que ça pique bien souvent… Car demander, c’est s’exposer.
Parce qu’on a souvent intégré que “non” signifiait “tu n’es pas assez” : pas assez intéressant·e, compétent·e, aimable, important·e, méritant·e. Et parce qu’on confond souvent le refus d’une demande avec le rejet de notre personne.
Et si on remettait les choses à plat ? Dans cet article, on va essayer de comprendre pourquoi c’est si difficile de recevoir des non… et comment c’est lié à notre propre capacité à refuser.
Pourquoi c’est si dur de recevoir un non ?
Education et socialisation
C'est difficile car on ne l’a pas toujours appris… Ou alors, on l’a appris à travers des injonctions autoritaires, sans explication, sans écoute. Durant l’enfance, le non a parfois été brutal, sans cadre, ou utilisé pour soumettre et faire taire.
Si tu as été socialisé·e en tant que fille, tu as sûrement appris à plaire, à ne pas décevoir, à être validé·e, et à te laisser choisir plutôt que choisir toi-même.
Malgré toi, tu as peut-être intégré ce raccourci : NON = REJET = DANGER
Des recherches en neurosciences (notamment celle d’Eisenberger & Lieberman en 2003) suggèrent que certaines zones cérébrales activées lors d’un rejet social sont similaires à celles activées par une douleur physique.
Se sentir rejeté peut être réellement douloureux.
En réalité, ce qu’on fuit quand on n’ose pas formuler de demande, ce n’est pas forcément la réponse elle-même mais le vide, la douleur, la frustration que ça active. Recevoir un non, c’est aussi être confronté·e à l’impossibilité de contrôler ou de satisfaire immédiatement un besoin et c'est très inconfortable.
Et si on changeait notre regard sur le non ?
Le non est une information
Allez, répétons-le au cas où : le non n’est qu’un signal, une donnée qui vient nous donner des indications sur l’expression d’un besoin, d’une limite, d'une envie, d’une peur, dans l’instant.
C’est l’autre qui dit : là, ce n’est pas bon pour moi.
Et c’est sain parce qu’un non clair est plus respectueux (pour toi et pour l’autre) qu’un oui par défaut.
Préfères-tu vraiment un oui qui manque de sincérité, à un non sincère qui t’éclaire ? Préfères-tu qu’on accepte ton invitation à contrecœur ? Qu’on te dise oui alors qu’on pense non ?
Ou préfères-tu un lien où chacun·e peut s’exprimer librement, même si ce n’est pas toujours agréable à entendre ?
Essuyer un refus ne signifie pas forcément perdre le lien, mais plutôt poser une fondation plus honnête.
Recevoir un non c'est aussi mieux s'aimer
Quand tu commences à poser tes propres limites, tu intègres progressivement que dire non, ce n’est pas exclure l’autre : c’est simplement poser un cadre pour toi.
Et donc, quand l’autre te dit non, tu apprends également à ne pas le prendre pour toi. Tu es en mesure de l’interpréter comme une information sur ses besoins, sans remettre systématiquement tout en question.
Dans une relation saine, le non peut se dire sans mettre le lien en danger. Parce que le lien ne repose pas sur l’évitement, ni sur la peur de déplaire. Il repose sur la confiance. Et sur la certitude que le respect est réciproque.
Les opportunités cachées derrière un non
Il y a des non qui piquent bien comme il faut.
- Quand tu fais une proposition pro qui te tient à cœur, et qu’on te dit “non merci”.
- Quand tu t’ouvres à quelqu’un·e qui n’est pas disposé·e à t’écouter.
- Quand tu demandes de l’aide et qu’on ne peut pas être là pour toi.
- Quand tu fais une demande intime ou vulnérable, et qu’on décline.
- Quand tu dépasses le cadre des limites de l’autre et qu’il te le fait remarquer.
Recevoir un non peut réveiller des émotions et insécurités parfois intenses, et le nier ne contribue pas à le surmonter. C’est humain de ressentir de la déception, mais c’est ce que tu fais de cette déception qui fait la différence.
On peut à la fois accueillir ce que vient réveiller chez nous un refus et choisir d’apprendre à le voir comme une opportunité.
- C’est une occasion de mieux te connaître : tu peux identifier ce que ce non vient toucher chez toi (injustice, abandon, rejet, peur de l’échec ?).
- C’est un appel à la créativité : il t’oblige à trouver d’autres chemins, d’autres solutions, d’autres ressources (à l’intérieur de toi et à l’extérieur).
- C’est une opportunité de renforcer ton lien à l’autre : de le comprendre davantage dans son fonctionnement et ses limites.
Quand tu t’interdis de demander… tu échappes à un potentiel refus, mais tu t’interdis aussi de recevoir.
Et concrètement… que faire ?
Comprendre ce qui t'empêche de demander
Très souvent, le problème n’est pas de savoir ce que tu veux ou quels sont tes besoins mais d’oser demander avec les risques que cela comporte.
Si tu te dis "C'est faux, je fais des demandes", la question à te poser est la suivante : demandes-tu uniquement quand tu es sûr·e d’avoir un oui ?
Et si tu formules rarement des demandes : est-ce vraiment car tu n'as besoin de rien ou car tu crains un possible d’un refus ?
Que t'empêches-tu de demander, par peur d’un non ?
- Un soutien émotionnel ?
- Une mise au point dans une relation ?
- Une opportunité professionnelle ?
- Une pause ?
- Du repos ?
Note ce que tu ressens face à un refus (ou un risque de refus)
- Quelles pensées automatiques se déclenchent ?
Observe tes croyances sur le refus :
- “Si je dis non, je vais être rejetée”
- “Si on me dit non, c’est que je ne suis pas assez important·e”
- “Je vais décevoir"
- “Je ne compte pas vraiment pour l’autre”
Repère les moments où tu t’autocensures
- Qu’est-ce qui t’empêche de demander ?
Entraîne-toi à faire des demandes
- Petites ou grandes. Dans différents contextes. Même si ce n’est pas confortable. Tu n’as pas à attendre d’avoir confiance en toi pour commencer : c’est le fait d’oser qui renforce la confiance.
Traduis les non en oui
- Un non à toi, c’est peut-être un oui à l’autre
- Un non ici, maintenant, ne remet pas en question ta valeur
Note ça quelque part
- JE N'AI PAS BESOIN D'UN OUI POUR EXISTER
En bref
Recevoir un non est une manière de faire de la place à la réalité de l’autre. Dans une relation saine, on peut se dire non et continuer à s’aimer. Le “non” ne remet pas forcément en cause le lien, il vient poser un cadre. Et poser un cadre, c’est précisément ce qui rend la relation plus durable, plus respirable, plus respectueuse de chacun·e.
Et si dire non est encore difficile pour toi… je t’invite sincèrement à explorer ta propre façon de recevoir les non. Tu risques d’en apprendre beaucoup sur toi, tes croyances et tes besoins.
Apprendre à s’affirmer passe aussi par là : comprendre comment tu vis les refus, ce qu’ils réveillent en toi, ce que tu leur fais dire. Apprendre à s’affirmer ne consiste pas à exiger ou obtenir ce qu’on veut à tout prix mais à oser nommer ses besoins, ses limites… même sans garantie de retour.
Pour aller plus loin
- Tu veux apprendre à formuler des demandes plus claires ?
- À accueillir et comprendre les émotions qui émergent quand on te dit non ?
- À poser tes limites sans traîner cette foutue culpabilité pendant des jours ?
Dans un cadre sécurisé et bienveillant, on explore ensemble :
- Ce qui t’empêche aujourd’hui d’oser
- Les mécanismes à déconstruire pour oser dire et recevoir le non
- Et surtout, des pistes concrètes pour reprendre ta place dans tes relations